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№ 8, L'ASSOCIATION COOPÉRATIVE DE PRODUCTIONS AUDIO-VISUELLES PREMIÈRE DÉCADE
janvier 1981

Dans l’histoire du cinéma québécois, rares furent les coopératives de production et rarissimes celles qui survécurent dix ans. Dans ce contexte, consacrer un numéro à l’ACPAV, c’est tourner notre objectif vers un phénomène unique, exceptionnel. Certains s’étonneront : Déjà dix ans! On n’aurait jamais gagé cela à l’époque.

En effet, il y a quelque chose d’insolite, de surréaliste dans cette longévité, alors que le bord du gouffre fut le lot quotidien de la coop et que certains se préparaient sûrement à chanter requiem pour un phénix. C’est ce sinueux périple que suit à la trace le chapitre intitulé “Chronique des années de braise”. Mais alors comment expliquer la survie de l’ACPAV? Paul Tana parle du désir sauvage de faire du cinéma et plusieurs cinéastes en témoignent. Derrière l’image, il faut deviner l’enthousiasme qui a motivé un nombre incroyable de jeunes cinéastes à investir énergie, temps et argent dans une entreprise qui les servait, bien sûr! (d’ailleurs la contradiction entre la motivation coopératiste et le désir de faire son film, un point c’est tout, se repère tout au long de l’histoire de l’ACPAV), mais qui en même temps permettait à une aventure cinématographique d’exister, qui n’aurait pu exister en dehors de la coopérative.

La liste des productions de l’ACPAV, que nous publions, est impressionnante, pas tant en nombre qu’en qualité. Pratiquement toute une génération de cinéastes, qui a aujourd’hui dans la trentaine, y a fait ses premières armes, son écolage, et même davantage; et non seulement de réalisateurs, mais aussi de techniciens et de producteurs. Et qui plus est, les films produits à l’ACPAV comptent parmi les plus importants de la décennie tournés hors de l’ONF et qui exploraient des voies nouvelles dans le domaine de la fiction cinématographique. Jean Chabot qualifie Pierre Harel d’ouvreur de frontières. En fait c’est tout l’ACPAV qui fut animée d’un esprit de pionnier et les dix ans de son histoire constituent bien le plus beau western de l’histoire du cinéma québécois.

Nous avons essayé dans ce dossier de témoigner de tout cela, de montrer comment ces dix années furent un perpétuel processus avec ses discontinuités, ses décélérations, ses éclatements, ses réussites aussi; un processus dont le dynamisme reposait autant sur la vitalité de la structure coopérative que sur le bouillonnement social-national des années 70. Bien sûr, il aurait fallu inscrire davantage l’ACPAV dans son contexte historique. Bien sûr, il aurait fallu la situer davantage dans l’ensemble du paysage cinématographique québécois. Nous n’avons pu qu’effleurer tout cela, et encore seulement à travers l’activité de la coop. Nous espérons seulement avoir pu convaincre le lecteur de l’importance culturelle et cinématographique de l’ACPAV, avoir pu lui fournir quelques informations et réflexions sur cette expérience originale et surtout avoir pu aiguiser sa curiosité pour qu’il retourne voir les films de l’ACPAV.

l’ACPAV fut toujours déficitaire, c’est vrai. Mais où le cinéma qu’elle a produit aurait-il pu se produire? Les dettes de l’ACPAV ont contribué à la richesse globale du cinéma québécois. Ne serait-il pas temps de le reconnaître?

Pierre Véronneau