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ProgramFellini, why ?

Guillaume Lafleur
April 29th, 2021
Fellini, why ?

Federico Fellini aurait eu 100 ans en 2020. Il a fait partie de ces cinéastes qui ont triomphé de leur vivant, dont la reconnaissance de leur apport au cinéma a été affirmée sans ambages, ce qui en retour a sans doute influencé les films qu’ils ont pu encore faire. Non pas qu’il ait gagné des prix à tout coup, mais simplement il survolait la mêlée et la production ambiante. Cela n’a fait que s’accentuer au fil des films. Pourquoi ?

Plusieurs réponses possibles, bien sûr. L’une d’elles est un secret de mise en scène qui relève de l’art du plan. Par des stratagèmes scénographiques, il pouvait parfois faire entrer dans un même plan en mouvement plusieurs lieux, plusieurs récits, plusieurs espaces temps. C’était d’emblée virtuose, hypnotisant, bluffant.

Comment faisait-il ? En s’appuyant sur la capacité seule de la caméra à raconter une histoire. Les puissances du cinéma, son art propre et sans équivalent se situe exactement là, dans ce geste, dans ce mouvement de caméra qui dicte ses lois et incarne complètement l’art de raconter. Ce typage de plans s’exacerbe lors de son âge d’or à compter de la Dolce vita (1960) jusqu’au Satyricon (1969), où le travail scénographique et la direction artistique dans son ensemble atteignent une sorte de sommet.

Auparavant, il aura contribué à sortir le cinéma italien du néo-réalisme dont il était en apparence lui-même issu. Mais c’était sans compter sur des ressources déjà fortement exploitées lors de sa première jeunesse, où il était illustrateur et caricaturiste, porté par la fantaisie du trait qui se déplacera plus tard dans les mouvements d’appareil. Mais cette fantaisie se lovera au cinéma tout d’abord dans la création de personnages excessifs, hauts en couleur (La strada, 1954), à moins qu’ils ne soient ni plus ni moins que l’incarnation de fantasmes (Le cheik blanc, 1952).

Pendant longtemps, on aura pu croire que les films de Federico Fellini accompagnaient leur époque en donnant le la, en dictant les modes, en les précédant même. Peut-être était-ce par manque de distance qu’un tel postulat a pu fleurir. Revoir la Dolce vita aujourd’hui permet de constater à quel point le désenchantement est au cœur du propos et le film n’a de sens que par sa conclusion, par ce lendemain de veille embrouillé où les images de mode et la rutilance d’ensemble s’estompent pour de bon. «À quoi bon tout cela ?» semble nous demander Marcello en fin de film. Vingt-cinq ans plus tard, dans Ginger et Fred (1986), sa complice Giulietta Masina et lui nous disent la même chose, au moment où l’outrance télévisée des images en mouvement sans cesse reconduites s’enroulent sur elles-mêmes, portées par la perte de sens. Mais entretemps, un metteur en scène génial aura mené cet enroulement-là à son point d’achèvement, en sachant très bien ce qu’il en retourne.